Pendant
l’été de 2002, ma fille Laina et moi
étions très conscients qu’à proximité du
Parc patrimonial de Fort Simpson, se trouvaient les restes de
François Pilon et de ses compagnons, morts de faim en mars,
1811. Dans nos travaux
archéologiques, nous ne les avons pas retrouvés mais nous
ne doutons pas qu'ils ne
sont pas loin. Pour en apprendre sur nos recherches, suivez
ce liens pour en apprendre sur les travaux de 2002
& 2003
(désolé, en anglais seulement).
François avait vécu ses
derniers jours au Fort de la Fourche à quelques dizaines de
mètres de l’endroit
où sa Sainteté le Pape Jean Paul II prononça une
messe en 1987 avec des représentants des Autochtones de partout
au Canada, une grande première. Aurait-il pu imaginer
avoir un tel visiteur dans
ce coin reculé du monde? Jamais de sa vie.
Jamais il
n’aurait pu non plus penser que de sa parenté viendrait un jour
près de sa tombe silencieuse et oubliée, prier pour lui,
pour le repos de son âme, exprimer le genre de sentiments
que l’on manifeste sur le bord d’un tombeau lors d’un enterrement, les
sentiments que sa famille aurait voulu partager avec ses amis et ses
voisins. Mais sa famille a probablement reçu la nouvelle
plus de deux ans après l’évènement.
C’était déjà des vieilles nouvelles.
Donc, avant de quitter Fort Simpson, nous nous sommes recueillis
sur la
plate-forme sous l'immense structure où un pape s'était
tenu, pour invoquer le
souvenir de notre parent défunt. Nous étions sans
aucun doute
les premiers membres de sa famille à jamais
réfléchir sur son sort si près de son
sépulcre disparu.
A partir de la plate-forme papale une superbe
vue se présente sur l’embouchure de la rivière Liard, sur
le promontoire
encore appelé de nos jours par son nom
français Gros Cap et
encore plus loin en
amont
sur le fleuve
Mackenzie. Sans en être conscient, notre regard s'est
dirigé sur des milliers de kilomètres pour revoir une
dernière fois l'île de Montréal, peut-être
Pierrefonds, peut-être Les Cèdres. Pour un instant,
nous pouvions ressentir l'espoir gaspillé qui anima
François pendant ses derniers jours ou était-ce
simplement le
désespoir? Avait-il rêvé
jusqu'au délire d'entendre des voix familières, de sentir
ces arômes qui émanaient jadis des chaudrons de sa
mère, de sentir le vents chaud qui courait à la surface
des eaux du fleuve St-Laurent aux sons des enfants jouant ces vieux
jeux du pays de ses ancêtres, de la vieille France?.
Avait-il refait le long trajet qui l'avait emmené jusqu'à
la Fourche, peut-être commençant devant le notaire de
MacTavish, Frobisher & Co. en 1803, passant son premier hiver au
Grand Portage sur le lac
Supérieur, apprenant une multitude de phrase de la langue
ojibwée, obtenant des beaux vêtements chauds de cuir
d'orignal de ses nouveaux amis. Avait-il rechanté pour la
centième fois ces chansons de voyageurs, conçues autant
pour maintenir la cadence de la pagaie que pour préoccuper les
coeurs tristes et souffrants? Voilà autant de questions
que d'images qui passèrent dans nos esprits. Pour un
instant c'était François Pilon qui nous donnait des
réponses. Pour un instant, c'était François
qui nous souriait, heureux que des larmes avait lavé le sol qui
le recouvrait et qu'enfin, son repos pouvait commencer.
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