La base de données des
Pilon et Pillons canadiens qui ont porté des armes pour le
Canada lors de la
Grande Guerre de 1914-1919, compte 89 individus qui ont répondu
à
l'appel. Notons, que des documents d'attestations pour 135 Pilon
et
Pillon ont été créés. De ce chiffre,
certains ont décidé de ne pas se
présenter, d'autres ont été renvoyés pour
des raisons de santé ou encore de
conditions familiales. Les raisons exactes ne sont plus
disponibles.
Des 89 Pilon et Pillon qui ont fait leur service militaire, pas tous
étaient
nécessairement des francophones. Par exemple, Charles Cole
Pilon
(510246), vivant à London, Ontario mais originaire de London,
Angleterre, était
presque certainement de descendance huguenot qui remontait au
début du XVIIième
siècle et donc pas francophone. De même, certains
des Pilon qui nous
arrivaient des États-Unis ne parlaient peut-être plus le
français (Philippe
Pilon 1102297
du Massachusetts, Wilfred
Pilon 2320409 de l'état de Iowa). Cependant, de par les lieux
d'origine, il est évident que tous les autres Pilon
étaient fort probablement
des francophones, ou tout au moins, auraient été
facilement classés comme
Canadiens-français par leurs voisins anglophones.
Les documents d'attestation remplis et signés la première
fois que les recrus
se présentaient pour leur service, indiquent les unités
dans lesquelles les
candidats étaient initialement enrôlés (il y a 8
exceptions; 7 cas où on ne
fournit aucunes données sur les bataillons d'appartenance et un
individu
rattaché au 6ième Hôpital Général
dont la
langue n'est pas certaine). Il
faut noté ici que suivant l'enrôlement initiale, un soldat
était souvent
affecté à d'autres unités, surtout s'il se rendait
en Europe où il devenait un
soldat de renfort, distribué là où on en avait
besoin. Donc, suivant son
inscription dans un bataillon Canadien-français, il pouvait plus
tard être
intégré dans un bataillon anglophone. Cependant,
pour simplifier notre
tâche, surtout pour les soldats qui ont servi dans plusieurs
bataillons, nous
n'avons que retenu les unités d'inscription pour les fins de
notre analyse.
Des 81 Pilon et Pillon pour qui nous avons des informations concernant
les
unités d'inscription, 31 s'étaient enrôlés
dans des formations francophones: le
22ième Bataillon, les deux bataillons du Régiment de
Québec qui servaient à
fournir des renforts aux bataillons outremer francophones, un bataillon
de
dépôt canadiens-français au Manitoba, le
178ième Bataillon, les Carabiniers du
Mont-Royal (150ième Bataillon). La grande majorité,
c'est-à-dire 50,
des
autres Pilon et
Pillon, s'étaient enrôlés dans des formations
militaires non francophones.
Donc, leur présence, comme le souligne le Colonel Nicholson,
n'auraient jamais
été signalée parmi le nombre de francophones
participants au Corps
expéditionnaire canadien.
Extrapolant à partir de cet échantillon de
Canadiens-français participants au
conflit européen, choisi simplement par leur nom de famille
(dont deux
donnèrent leur vie (Edward 1467 et Norman Joseph 2265550) et
sept furent
blessés (Ernest Pilon 416373, Fernand Pilon 856168, 916958,
Joseph Pilon
4035169, Louis Rodolph Pilon 145136, Philip Pilon 74110, Phillip Pilon
649320,
1102297, William Pilon 789220) nous pouvons suggérer que
seulement 38% de ces
individus se trouvaient, lors de l'inscription, dans des formations
militaires
que l'on pouvait qualifiées de francophones. Les autres,
c'est-à-dire 62%
de notre échantillon, étaient, dès le
début, intégrés à des unités non
francophones. Ils auraient donc figuré parmi les chiffres
des Canadiens de
souches britanniques cités par le premier ministre Borden comme
ayant servi
lors de la première guerre. Si nos données sont
représentatives de la
situation en général avec les recrus francophones, et que
le chiffre de 16,268, en date du mois de mars, 1918, cité par
Monsieur Borden n'est que la fraction (i.e. 38%) des
Canadiens-français dans des unités francophones, le
nombre total de
Canadiens-français sous les couleurs canadiennes devrait
être ajusté à 42,810,
une différence de 26,542. De plus, le nombre de
participant Canadiens-anglais
devrait passer de 147,505 à 120,963. Ce
faisant, la
proportion de
Canadiens-français dans le Corps expéditionnaire canadien
passe de presque 10%
à un peu plus de 26%, une proportion très semblable au
pourcentage de Canadiens-français dans la population canadienne
de l'époque (suivez ce lien pour
en apprendre davantage sur les proportions linguistiques de
l'époque).
De même, la participation
canadienne-anglaise passe
de 90% à un peu moins de 74%. Ces différences sont
très importantes dans
le débat entourant la ferveur des Canadiens-français pour
la guerre à cette
époque.
Donc, ces nouvelles
données qui sont soutendues par certaines extrapolations,
remettent en question les véritables taux de participation des
Canadiens de souches françaises à la guerre. On ne
peut nier l'attitude parfois très vocale des politiciens et des
religieux de l'époque, surtout au Québec, contre
l'enrollement des Canadiens-Français pour le service
outremer. Cependant, nos données semblent indiquer qu'en
dépit de ceci, au bout du compte, les Canadiens-Français
ont assumé leur role comme citoyens dans une proportion qui
reflète leur importance démographique. Il n'est
donc pas surprenant de constater qu'il est important de distinguer
entre ce qui se disait et ce qui se faisait.
|