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Au mois de novembre de 2008, un merveilleux projet fut mis en branle pour se rappeler les soldats canadiens qui tombčrent sur les champs de bataille de l'Europe pendant les 5 années d'enfer au début du XXe siècle. Le 11 novembre, l'ensemble du pays se recueille pour se souvenir, mais de moins en moins de nous savons de quoi on devrait se souvenir. Le projet Vigile 1914-1918 se voulait un dernier effort pour reconnaître les individus et pas seulement la collectivité, avant que le dernier de nos soldats qui avait connu cette guerre ne disparaisse à jamais. Donc, pendant une semaine avant le 11 novembre, chaque soir entre le coucher du soleil et son levé le lendemain matin, on a projeté sur le monument national au plein coeur d'Ottawa, ainsi que sur la Maison du Canada à Londres en Angleterre, les noms des disparus; plus de 68,000 noms. C'était comme une parade de nos braves. Pendant quelques secondes, les noms des soldats, deux à la fois, étaient affichés en grandes lettres sur le haut du monument et ensuite, pendant quelques secondes additionelles mais en lettre plus petites, ils prenaient une place sur les montants verticaux du monument pour ensuite disparaître. Un site web nous permettait de connaître le moments précis quand apparaîtrait le nom d'un soldat décédé (vous pouvez toujours y allé). Il n'y avait pas d'ordre évidente à la parution des noms; ce n'était pas selon l'ordre alphabétique, pas selon la date du décès. Il devait donc y avoir deux Pilon: Norman J. Pillon (les deux "L" demeurent une erreur de transcription car sa signature n'inclue qu'une seule lettre "L") mort le 6 novembre, 1918 et Edouard Pilon mort le 5 juillet, 1916. Le nom de Norman devait paraître le 5 novembre à 20 h 33 et celui d'Edouard, le 6 novembre, à 21 h 54. La température toute cette semaine-là était exceptionnelle. Une chaleur relativement inusitée pour le mois reignait. J'étais sur les lieux bien avant le temps pour capturer un peu l'atmosphère de l'endroit. La ville tout autour semblait ignorer ce qui se passait. Il y avait quelques personnes sur le parvis devant le monument, mais très peu en réalité. Le projecteur occupait une place discrète. Avec l'approche de l'heure, j'ai préparé ma caméra vidéo. Je voulais capturer ce moment. Et au moment précis, Norman J. Pillon paru devant nous. En écoutant la vidéo, on m'entends dire "there he is". Pas son nom, mais lui, Norman Pillon. La magie de ce moment (créée par RH Thomson et Martin Conboy) restera toujours avec moi. La température, le poid du moment, tout créa une mémoire inoubliable. Mais ça ne se terminait pas là. Le lendemain, j'ai réalisé qu'au moment où le nom de Norman Pillon fut projeté sur le mémorial, en France où il est mort, il était 2 h 33 le matin du 6 novembre, exactement 90 ans, jour pour jour, qu'il quitta ce monde pour l'autre. Comment est-ce que cette coincidence a-t-elle pû survenir? Je me pose toujours cette question et je ne crois pas que j'aurai jamais une réponse adéquate. Le lendemain soir, cette fois-ci accompangé de mon fils Thomas, je me suis rendu encore une fois devant la tombe du soldat inconnu gisant au pied du monument, pour cette fois voir apparaître le nom d'Edouard Pilon. Edouard disparu pour jamais lors d'un raid sur les tranchées allemandes près d'Ypres en Belgique. Lui aussi est un soldat inconnu, son nom étant inscrit avec tant d'autres sur les murs de la porte de Menin. C'était bien de partager ce moment avec mon fils car tous deux nous avions visité la porte de Menin en 2006 et nous avions porté hommage à ce parent lointain dont le nom demeurera toujours pour nous une source d'inspiration. Nous nous sommes éventuellement rendus au bar D'Arcy McGhee, en vue du monument et des noms qui continuaient à défiler, afin de prendre un verre à la mémoire de nos deux Pilon qui avaient enfin eu leur moment de gloire au centre de la capitale de leur pays, 90 ans après la fin de cette guerre à finir toutes les guerres. |