La maison Antoine Pilon
258 chemin Bord-du-Lac
Pointe-Claire, Québec, CANADA

« À toutes fin utiles, il ne s'agissait plus que d'un simple taudis (shack) »


 

La déclaration publiée dans les News & Chronicle du 24 novembre 1982 montre bien le peu d'intérêt qu'entretenait un directeur de la Planification de la Ville de Pointe-Claire, envers la vieille maison construite au début du XVIIIè siècle. Et André Charbonneau, le propriétaire actuel de la maison savait que le directeur de la planification n'avait pas tout-à-fait tort. 

La maison se trouve sur le lot 88 du cadastre actuel, qui forme une partie du lot qui portait le numéro 154 au terrier d'origine de l'île de Montréal. Le lot 154-D fut concédé par les Sulpiciens à Pierre Sauvé dit Laplante le 24 novembre 1698. Il s'agissait alors d'une terre de trois arpents de front, en bordure du lac Saint-Louis, sur 20 de profondeur. 

Pierre Sauvé et sa femme Marie-Michel vendirent la terre à Jean Du Tartre dit Desrosiers le 27 octobre 1700. Le lot n'avait pas changé. Les deux transactions suivantes eurent lieu le même jour, le 19 septembre 1706. Dans un premier temps, Du Tartre céda la concession à Madeleine LeMoyne, veuve de Jean-Baptiste Beauvais, qui fut cessionnaire de la terre voisine. Dame LeMoyne vendit immédiatement la terre 154-D à Antoine Pilon, qui lui avait déjà acheté la terre 155-D voisine. 

Marie-Anne Brunet, qui hérita de la terre à la mort de son mari Antoine Pilon, en fit don à leur fils Mathieu le 22 janvier 1729. L'acte de donation implique une terre de cinq arpents de front sur 20 de profondeur, formée des lots 154-D et 155-D. C'est aussi le premier document à faire état de la présence d'une « petite maison » avec grange. La maison a donc été construite entre 1706 et 1729. Mais comme les Pilon ont habité la maison, on peu croire qu'elle fut construite peu après l'acquisition de la concession, donc à l'été de 1707. 

Gabriel Pilon, fils de Mathieu et de Marie-Josephte Daoust et occupant de la « maison familiale », devint le propriétaire suivant en acquérant de ses parents le lot 154-D qui mesurait alors 3 arpents sur 28. L'aubergiste et cultivateur Pierre Pilon, fils de Gabriel et de Suzanne Meloche, hérita de la terre par donation le 7 décembre 1799. 

Les Pilon quittèrent définitivement le lot le 1er juillet 1826 quand ils le cédèrent au charpentier W. Glasford. Ils en étaient propriétaires de père en fils depuis 120 ans. 

Les propriétaires subséquents furent : 

  • Félix Amesse, menuisier, époux de Marguerite Pilon (par achat le 1er mars 1832); 
  • François Larivée, cordonnier, (par achat le 5 avril 1834); 
  • Jean-Baptiste Legault dit Deslauriers, fils, peintre, (par achat le 11 mai 1865); 
  • Damase Alexandre Valois (par achat le 19 juillet 1873); 
  • Isidore Valois (par héritage en 1914); 
  • Charles-Benoît Valois (par achat le 31 décembre 1921); 
  • Joseph Duhamel (par achat le 21 février 1944); et enfin 
  • André Charbonneau en 1968. 
Au moment où il a quitté la maison en 1976, après l'avoir habité pendant quelques années, André Charbonneau a procédé à un curetage en profondeur, avec l'intention de restaurer la maison. Simultanément, il s'adressait aux instances publiques dans une tentative pour faire inscrire sa maison parmi les monuments historiques classés. Sans trop de succès cependant. Devant l'ampleur des travaux, André Charbonneau prit trois grandes décisions : il raserait la maison au sol en numérotant toutes les pierres et tous les madriers, il la reconstruirait en rétablissant son apparence d'origine en non celle de 1850, et il en profiterait pour ajouter une rallonge afin de l'agrandir. Seules les lucarnes trahissent l'esprit du début du XVIIIè siècle, puisqu'elles ont fait leur apparition au milieu du siècle plutôt qu'au début. 

Il est à noter que pour la construction de l'ajout, Charbonneau a visité plusieurs chantiers de démolition de la région de Montréal afin de dénicher les pièces de bois manquantes. Pour la construction des fermes des deux toits à pignon à pente prononcée (50 degrées), il a dû se résigner à utiliser du bois neuf. La façade propose une ordonnance rythmique et symétrique, typique de l'architecture vernaculaire d'inspiration normande. 

L'intérieur de la maison d'origine a été aménagé comme il était au XVIIIè siècle. Une seule pièce occupe tout le rez-de-chaussée comme à l'époque, ce qui a forcé Charbonneau à faire preuve d'ingéniosité pour assurer la solidité de la maison. 

La reconstruction de la maison s'est avérée un grand succès étant donné l'ampleur de la tâche. Le talent d'artisans comme Robert Lardeux (pierre), Pierre coupal (menuiserie et escalier) et Marcel Ménage (quincaillerie), n'est évidemment pas étranger à cette situation, mais sans la détermination d'André Charbonneau, cette vieille maison de bois aurait cédé la place à un autre bâtiment moderne sans âme.

  • Sources : Charbonneau, André : Summary of the transactions on the land, anonyme. 
  • Sommaire personnel de la chaine de titres : et informations verbales.
  • Communauté urbaine de Monntréal, Service de la planification du territoire; Répertoire d'architecture traditionnelle, Architecture rurale et documents divers.
  • Matthews, Brian R.; A History of Pointe-Claire.
  • Ministère des Affaires culturelles; Macro-inventaire de Pointe-Claire.
  • La Presse, Montréal, Dimanche, 23 février, 1992. Guy Pinard.
Voir des images du "Retourn ý la "Maison d'Antoine Pilon" de 1992
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